Ibères
L'origine de ce peuple qui a donné son nom à la péninsule Ibérique, c'est-à-dire l'Espagne et le Portugal, demeure encore discutée.
Nombre d'auteurs se sont longtemps ralliés à la tradition antique selon laquelle les Ibères d'Asie seraient de même souche que ceux d'Europe occidentale.
L'Ibérie asiatique des géographes grecs était située dans le Caucase, vers la vallée du Kyrnos.
Ces Ibères avaient pour voisins les Aîbani à l'est, vers la Caspienne, et les Colches à l'ouest.
Appien, historien grec qui vivait à Alexandrie au IIe siècle, nous apprend que selon certains, les Ibères d'Asie sont regardés comme les ancêtres de ceux d'Espagne, mais pour d'autres ceux d'Asie seraient une colonie de ceux d'Europe.
Il remarque cependant qu'ils n'ont rien de commun, ni dans leurs langues ni dans leurs moeurs.
Ce sont ces derniers qui semblent avoir raison, bien qu'avec force arguments divers auteurs modernes, et en particulier E. Philippon, aient soutenu l'hypothèse d'une migration des Ibères du Caucase vers l'Occident au moment des grandes migrations de la fin de l'âge du Bronze.
Ce seraient même les Phrygiens qui pourraient être cause de cette "longue marche" des Ibères.
On continue d'ailleurs de soutenir l'hypothèse d'une parenté entre les Basques et les peuples caucasiens, ces analogies étant plus particulièrement recherchées dans le domaine linguistique.
Cependant, les arguments demeurent encore peu convaincants, d'autant que, par ailleurs, rien ne prouve que les Basques soient les descendants des anciens Ibères.
Selon les archéologues espagnols, en particulier Pericot Garcia, les Ibères appartiendraient à un ancien "tronc" africain dont les Berbères constitueraient une branche.
Cette migration remonterait au Néolithique comme en témoigne l'apport en Espagne d'un mobilier d'origine africaine (pointes de flèches, poteries lissées).
Leur langue est très mal connue, mais il apparaît qu'elle n'appartient pas au groupe indo-européen.
Avant l'occupation romaine, il existait en Ibérie trois types d'alphabets dérivés des alphabets phénicien et grec : le tartessien au sud-ouest de l'Andalousie, le bastetanne (ou mastienne) en haute Andalousie et l'ibérique qui s'étendait sur le Levant espagnol et le sud de la France.
L'onomastique a permis à certains spécialistes d'avancer l'hypothèse d'une extension de l'aire ibère jusqu'en Sicile, Sardaigne, Corse et Italie du Sud.
Si les indices de relations semblent convaincants, il est moins certain qu'il y ait eu une réelle occupation de ces régions par les Ibères ; en revanche, leur présence dans le sud de la France, entre les Pyrénées et le Rhône, paraît assurée : Béziers, Carcassonne, peut-être Nar-bonne semblent bien être des fondations ibères.
On peut sans doute attribuer aux Ibères la plus caractéristique des cultures du Bronze ibériques, celle d'El Argar.
Depuis 1961, les travaux de M. Tarradell ont mis en évidence l'originalité du Bronze de la région de Valence, par rapport à la culture argari-que dont on pensait que l'une n'était qu'un aspect régional de l'autre.
L'influence orientale s'affirme dès cette époque et remonte même peut-être plus haut encore, à PEnéolithique dont nous n'avons pas à traiter dans cet ouvrage, qui est surtout caractérisé dans le site de Los Millarès.
La culture ibérique s'affirme au ~ Ier mill, pendant l'époque du Fer, malgré l'afflux d'influences étrangères et surtout orientales.
Dès l'orée de ce millénaire, les Phéniciens installent leurs comptoirs vers les côtes sud de la péninsule tandis que rayonne sur l'Andalousie méridionale la civilisation de Tartessos.
C'est aussi au cours de ce millénaire que les Celtes pénètrent en Espagne, où ils s'uniront aux populations locales, constituant le groupe des Celtibères.
Il convient d'ailleurs de distinguer les véritables Ibères qui occupaient la Catalogne, le sud de la France, les côtes dans la région de Valence et dont les tribus étaient remontées vers l'intérieur en suivant des cours de fleuves comme l'Ebre, des Turdétains ou Tartessiens de l'Andalousie, bien que, suivant la tradition antique, on ait parfois tendance à inclure sous le nom d'Ibères tous les peuples de la péninsule à laquelle ils ont donné leur nom dès l'époque gréco-romaine.
Depuis leurs comptoirs, les Phéni-siens (en particulier à Gadès, l'actuelle Cadix) et les Grecs (installés à Ampu-rias) exercent une forte influence sur les établissements ibériques.
C'est sans doute par les Phéniciens que sont arrivés à Almunecar (l'antique Sexi) des objets égyptiens, telles des jarres d'albâtre portant des inscriptions hiéroglyphiques.
Si un site comme Adra, l'antique Abdera, au sud-ouest d'Almeria, présente des inscriptions phéniciennes, on y a aussi recueilli des poteries grecques en quantité.
Mais en réalité, pendant toute la première moitié du <- Ier millénaire, c'est de toutes les rives orientales que proviennent des objets qui ont influencé l'art de Plbérie : pointes de flèches de "type Macalon" d'origine syro-anatolienne, vases piriformes en bronze d'origine (ou d'influence) chypriote, fibules hispaniques et annulaires imitées de modèles syriens et chypriotes.
Egyptienne est la statue d'Imhotep trouvée à Minorque, phéniciens sont l'Astarté et le Reschef de Seville.
De ces influences va naître l'art ibérique, dont l'un des chefs-d'œuvre les plus connus est la "Dame d'Elche" ; mais à côté de celle-ci il convient de mentionner la "Gran Oferente", grande statue de femme provenant du Cerro de los Santos (prov.
d'Albacete) ou la "Bicha" de Balazote (prov. d'Albacte).
Toute une petite statuaire en terre cuite ou en bronze est aussi caractéristique : cavaliers, guerriers nus, femmes à robes moulantes en cloches allongées, figurines stylisées et étirées de personnages, tous en bronze, et statuettes votives de même style schématisant recueillis dans des sanctuaires ibériques comme celui de Castellar de Santisteban (dans le Jaen).
De nombreux établissements habités jusqu'à l'occupation romaine, à la fin du ~ me siècle, ont été explorés.
Ce sont soit de véritables oppida construits en hauteur et défendus par des murs de pierre, comme Ullastret (prov. de Gérone), Tivisia (prov. de Tarragone),
Calaceite (prov. de Teruel) et pourvus de tours carrées ou semi-circulaires, soit de villes fortes comme Sagonte, Tarragone, Numance, qui témoignent d'un sens de l'urbanisme et de la fortification.
Par ailleurs, les Ibères ont modelé de très beaux vases en terre cuite peints d'élégants motifs stylisés floraux, animaux, géométriques, ou de scènes dans le même style où se succèdent des personnages féminins et masculins.
Les Ibères ont aussi été de très habiles orfèvres si l'on en juge d'après les nombreux bijoux trouvés souvent dans des trésors : diadèmes, pendentifs, bracelets, colliers, ceintures, tous en or finement ciselé en reliefs ajourés de volutes, palmettes, fleurs de lis, etc.
Ces trésors nous ont aussi livré des fibules en argent présentant des personnages (cavaliers par exemple), gobelets et coupes en argent parfois incrustés de motifs en or ; toutes ces oeuvres d'époques plus tardives sont cependant marquées par l'influence grecque.

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